Jean Pierre ROLL 01 / 02 / 2005 | 0 commentaires | Dossier

Ortographe :
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sources: www.up.univ-mrs.fr

Pr. UFR SVTE, Département de Neurosciences, Marseille
Laboratoire de Neurobiologie Humaine, UMR 6149, Université de Provence-CNRS, Marseille

Directeur de l’unité Intégration Adaptations Sensorimotrices et Comportementales à l’université de Provence, Centre Saint Jérôme, Marseille. L’université de Provence, Centre Saint Jérôme, Marseille. L’attitude du corps et ses mouvements. Une manipulation expérimentale de tendon par des vibrations communique de fausses données au cerveau et produit des illusions kinesthésiques. Les analyses de cette expérimentation conduisent à une meilleure compréhension des mécanismes liés à la perception du mouvement.
lnh@up.univ-mrs.fr
F. ALBERT
Laboratoire de Neurobiologie Humaine, UMR 6149, Université de Provence-CNRS, Marseillealbert-f@up.univ-mrs.fr

E. RIBOT-CISCAR

M. BERGENHEIM
Laboratoire de Neurobiologie Humaine, UMR 6149, Université de Provence-CNRS, Marseille.


La Main Ecrit sur le Papier et ... sur le Cerveau

De longues années d'apprentissage sont nécessaires à l'enfant pour maîtriser les codes gestuels de l'écriture et du dessin et pour intégrer ces codes à ceux de la lecture et du langage. Ces habiletés symboliques, parmi les plus complexes et les plus rapides de notre répertoire moteur (Viviani 98), constituent un terrain d'étude privilégié à l'intersection des activités motrices, perceptives et cognitives où les concepts et les méthodes des Neurosciences et de la Psychologie Cognitive peuvent se féconder mutuellement. Si les Neurosciences abordent l'étude des mécanismes nerveux et les lois qui régissent la production écrite de symboles graphiques, de lettre ou de mots, la psychologie cognitive s'est surtout intéressée au codage des informations graphiques et phonologiques lors de la perception visuelle des mots écrits.

Le geste d'écrire renvoie vers le système nerveux central un feed-back somesthésique (tactile et proprioceptif notamment) qui l'informe en ligne des caractéristiques de chaque forme ou lettre tracée et de l'enchaînement spatio-temporel de celles-ci au cours de l'élaboration de lettres, de mots, de phrases etc.

La question est de savoir si les messages sensoriels proprioceptifs issus de la main qui écrit sont porteurs d'informations de nature cognitive susceptibles d'intervenir au même titre que d'autres informations dans
la spécification symbolique des caractères écrits.

Pour chaque symbole, une « signature sensorielle » issue de la main qui écrit

Ecrire, à l'instar de tout acte moteur, déforme d'une manière singulière les effecteurs que sont la main et le bras, et notamment l'ensemble des muscles impliqués dans cette tâche.

Au-delà de leurs fonctions motrices, les muscles sont dotés de mécano-récepteurs qui rendent compte de leur état de longueur et de leurs allongements. L'étude des fonctions de codage des propriocepteurs musculaires est possible grâce à la méthode microneurographique qui consiste à enregistrer, à l'aide d'une micro-électrode insérée dans un
nerf superficiel chez l'Homme, les messages nerveux émis par les récepteurs et adressés au système nerveux central. On accède ainsi directement au trafic neurosensoriel évoqué lors de la réalisation d'actions plus ou moins complexes. Nous avons recueilli l'activité de populations de récepteurs issus de l'ensemble des muscles qui équipent
une articulation lors de la réalisation de mouvement symboliques de Dessin et d'Ecriture. L'ensemble de ces messages organisés dans le temps, en fréquence et dans l'espace des muscles, produit un « paysage proprioceptif » qui code les paramètres de taille, de forme et de vitesse de la trajectoire exécutée. Chaque dessin ou chaque symbole graphique réalisé évoque une « signature sensorielle » qui lui est propre et qui est potentiellement à même d'informer avec une grande précision le Système Nerveux Central sur ce que fait la main qui dessine ou qui écrit (Fig. 1), c'est ce que semble confirmer l'approche neurocognitive développée ci-après.



« Signatures proprioceptives » de divers symboles graphiques et dessins


Feedbacks proprioceptifs évoqués par l'exécution de divers symboles graphiques et dessins de formes géométriques. De haut en bas : courbe de fréquence instantanée, message sensoriel (fibre Ia), trajectoire X et Y en fonction du temps, feedback d'une population de récepteurs issus du même muscle.

Une main qui a l'illusion de dessiner ou d'écrire

Les vibrations mécaniques constituent un moyen pour activer expérimentalement les capteurs musculaires en l'absence de tout mouvement. Ce leurre sensoriel, produit par plusieurs vibrateurs, appliqués au niveau du poignet induit, chez un sujet dont la main ne bouge pas, la sensation qu'elle dessine un carré ou un rectangle, une
ellipse ou un cercle en fonction de patrons de stimulation spécifiques (Roll et Gilhodes, 1995 ; Roll et al, 1996).

Plus récemment, nous avons pu induire des illusions d'écriture de lettres, chiffres ou mots courts grâce à quatre vibrateurs appliqués sur les muscles du coude et de l'épaule. Les sujets étaient capables de reconnaître et de catégoriser le symbole perçu puis de le dessiner avec fidélité (Gilhodes et Roll, 2001; Roll, 2003) (fig. 2).



Illusion d'écriture de la lettre a


Le pattern de vibration à appliquer sur 4 muscles de l'épaule et du coude est construit grâce à un modèle géométrique de l'ensemble bras/avant-bras couplé à un modèle mathématique de propriocepteur. Le sujet, dont la main est immobilisée, perçoit une illusion de mouvement qu'il reproduit sur une tablette à digitaliser.

Les messages proprioceptifs issus de la main qui écrit ou dessine semblent donc être non seulement des « descripteurs sensoriels et perceptifs » des trajectoires graphiques réalisées, mais aussi porteurs du sens de
ce que la main écrit. Ainsi, l'acte même d'écrire est une source d'informations à caractère cognitif susceptible d'intervenir, au même titre que les informations visuelles et auditives dans la spécification symbolique des caractères écrits et par là dans les apprentissages linguistiques.


Références

1. ROLL JP, & GILHODES JC (1995). Proprioceptive sensory codes mediating movement trajectories perception: human hand vibration-induced drawing illusions. Canadian Journal of Physiology and Pharmacology, 73 : 295-304.

2. ROLL JP, BERGENHEIM M, & RIBOT-CISCAR E (2000). Proprioceptive population coding of 2-D limb movements in humans: Part II. Muscle spindle feedback during "drawing like movements". Exp. Brain Res., 134: 311-321.

3. BERGENHEIM M, RIBOT-CISCAR E, & ROLL JP (2000). Proprioceptive population coding of 2-D movements in humans: Part I. Muscle spindle feedback during "spatially oriented movements". Exp. Brain Res., 134 : 301-310.

4. ROLL JP, ROLL R, & GILHODES JC (2001). Proprioceptive cues as a basis for body representation and as a binding factor with extrapersonal space. In : Series of Biophysics and Biocybernetics. Vol. 9 Neuronal coding of perceptual systems. W. Backhauss (Ed). pp 254-262.

5. RIBOT-CISCAR E, BERGENHEIM M, & ROLL JP (2002). The prefered sensory direction of muscle spindle primary endings influences the velocity coding of two-dimensional limb movements in humans. Exp. Brain Res., 145(4): pp 429-36.

6. GILHODES JC, ROLL JP (2001). Virtual hand-writting induced by well-patterned tendon vibration in humans. First joint meeting of the EBBS and EPPS, Septembre 8-12, Marseille.
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